Maladie du salarié : rappel des règles encadrant le licenciement
L’état de santé et le handicap d’un salarié ne constituent pas une cause de licenciement, mais leurs conséquences sur l‘entreprise peuvent, sous certaines conditions, justifier la rupture du contrat de travail.
Ainsi la désorganisation de l’entreprise, consécutive à des absences prolongées ou répétées nécessitant le remplacement définitif du salarié, est susceptible de justifier le licenciement.
Etat des lieux de la jurisprudence :
- Motivation de la lettre de licenciement
Parce que le contrôle du juge est limité par les termes de la lettre de licenciement, la motivation doit viser cumulativement :
- désorganisation de l’entreprise consécutive aux absences ;
- la nécessité de remplacement définitif du salarié.
A défaut, (la lettre vise par exemple la désorganisation du service et non de l’entreprise) le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.[1]
- Caractérisation de la désorganisation de l’entreprise
Seules l’absence prolongée ou les absences répétées d’un salarié causant la désorganisation de l’entreprise confèrent au licenciement une cause réelle et sérieuse. Le terme « entreprise » s’entend au sens strict : la perturbation d’un établissement, d’un service, d’un secteur d’activité d’un département, d’une agence ou encore d’un magasin de l’entreprise n’est pas de nature à justifier le licenciement[2].
Il revient à l’employeur de prouver cette désorganisation. Celle-ci peut être démontrée par des attestations des salariés de l’entreprise, qui ont dû organiser le relais du salarié absent ou qui ont vu se dégrader leurs conditions de travail, particulièrement génératrices de stress[3].
La baisse significative du chiffre d’affaire ou l’absence de réalisation de certaines missions rendant difficile l’atteinte des objectifs fixés par l’Etat pour l’année et permettant à une mission locale de justifier de ses subventions sont également constitutives d’une désorganisation[4].
La taille de l’entreprise et le poste du salarié sont pris en compte pour apprécier cette désorganisation[5].
- pour un poste d’aide-soignante dans une unité très astreignante d’un établissement pour personnes âgées très dépendantes;
- pour un poste de responsable de production dans l’industrie pharmaceutique : le salarié absent avait le statut de cadre dirigeant et détenait un « rôle pivot » dans l’entreprise, en ce qu’il constituait un interface avec les clients, les salariés et la hiérarchie, qu’il devait optimiser la production et recruter et former les agents
- Pour une structure de 9 salariés, l’absence d’un des trois salariés sédentaires entraîne une désorganisation.
- Impossibilité de remplacement provisoire
L’employeur doit démontrer l’impossibilité dans laquelle elle se trouvait de procéder à un remplacement provisoire notamment par remplacement interne ou en recourant au contrat à durée détermine ou au travail temporaire[6].
Là encore la spécificité du poste du salarié est un élément pris en compte pour apprécier la possibilité de remplacement provisoire[7].
L’impossibilité du remplacement provisoire peut résulter du temps important de formation du salarié remplaçant sur le poste de travail du salarié absent ou encore du mécontentement des clients dans la gestion des dossiers commerciaux, assurée par le turn-over de différents salariés non spécialisés, affectés au remplacement du salarié absent[8].
- Remplacement définitif du salarié absent, à une date proche du licenciement
Le remplacement du salarié absent doit revêtir un caractère définitif.
Le remplacement définitif doit intervenir à une date proche du licenciement[9], dans un délai « raisonnable » soit un délai proche de celui du délai de préavis théorique du salarié.
Si des délais de 2 ou 3 mois sont acceptés, un délai de 5 mois est considéré comme excessif[10].
La durée du travail du salarié remplaçant doit être équivalente à celle du collaborateur remplacé [11] .
Le remplacement peut être opéré par recrutement d’un salarié qui était sous CDD ou par glissement de personnel dès lors qu’un recrutement externe intervient[12].
Si l’employeur, au moment de l’entretien préalable, connait l’imminence du retour de la salariée absente, grâce à la transmission d’un certificat médical en ce sens, il ne peut plus licencier[13]
- Sanctions
Le licenciement qui ne respecterait pas ces conditions est sans cause réelle et sérieuse. En revanche, il n’encoure pas la nullité[14].
Il entraîne la condamnation au paiement de dommages et intérêts et de l’indemnité compensatrice de préavis.
[1] Cass. Soc. 19 mai 2016 n° 15-10010, Cass. Soc. 13 mai 2015 n°13-21026, Cass. Soc. 2 décembre 2009 n°08-43486,
[2] Cass. Soc. 23 janvier 2013 n° 11-28.075 Cass. Soc. 1er février 2017 n° 15-17.101 Cass. Soc. 13 mars 2015 n° 13-21.026 CA Rennes 1er avril 2016 n° 14/02067 CA Rennes 13 janvier 2017 n° 14/08560 Cass. Soc. 19 mai 2016 n° 15-10.010
[3] CA Rennes 30 novembre 2016 n° 15/06/472 et 28 mars 2014 n°12/03261, Cass. Soc. 23 janvier 2013 n° 11-28.075 précité, CA Rennes, 07 juillet 2017 n° 15/01701
[4] Cass. Soc. 23 janvier 2013 n° 11-28.075 précité, CA Rennes, 07 juillet 2017 n° 15/01701
[5] Cass. Soc. 11 juillet 2012 n°11-16.370 Cass. Soc. 28 mai 2014 n° 13-12.476 CA Rennes 06 mai 2010 n° 09/02748
[6] Cass. Soc 5 octobre 1999 n°97-42882, Cass. soc.14 juin 2016 n°15-12522, Cass. Soc. 13 mars 2001, n°99-40110 ; ou encore Cass. Soc. 26 septembre 2007, n°06-41146, Cass. Soc. 30 avril 2014 n° 13-11.533 ;
[7] Cass. soc. 30 novembre 2010 n°09-42530
[8] Cass. Soc. 10 février 2016 n° 14-16.316 CA Rennes 28 mars 2014 ° 12/03261 (précité)
[9] Cass. soc. 31 mars 2016 n°14-21682, Cass. soc. 9 octobre 2013 n°12-19675, Cass. soc. 27 janvier 2016 n°14-10084, Cass. Soc. 1er février 2017 n° 15-13.133
[10] Cass. Soc. 11 juillet 2012 n°11-16.370 Cass. Soc. 23 novembre 2016 n° 15-13.068 CA Rennes 1er avril 2016 n° 14/02067 (précité)
[11] CA Basse-Terre 30 janvier 2017 n° 15/00984, Cass. Soc. 26 janvier 2011, n°09-67073,
[12] Cass. Soc. 10 février 2016 n° 14-16.316 (précité); CA Rennes 28 mars 2014 ° 12/03261 (précité) ; Cass. Soc. 6 mai 2015 n° 13-26.771 Cass. Soc. 1er février 2017 n° 15-13.133 précité ; Cass. Soc. 15 janvier 2014, 12-21.179 ; Cass. Soc. 7 juillet 2016 n° 14-18.310
[13] Cass. Soc. 23 mai 2017 n° 15-24.865
[14] Cass. Soc. 22 septembre 2016 n° 14-29.974 Cass. Soc. 23 mai 2017 n° 15-24.865